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Système juridique vs système judiciaire

St John's Courthouse
St John's Courthouse
Palais de justice de Saint-Jean

Au fil des ans, j'ai rencontré des centaines de personnes qui s'impliquent dans notre système judiciaire pour diverses raisons, dont toutes ne sont pas volontaires. J'ai eu la chance d'observer de première main comment les individus pensent que notre système juridique s'applique à eux. Je peux dire en toute honnêteté que de nombreux Canadiens expriment de la confusion quant au fonctionnement du système. Il y a généralement un décalage entre ce qu'ils pensent devoir se produire et ce qui se passe réellement.

J'attribue au moins en partie ce décalage au fait que certains Canadiens insistent pour appeler notre système un « système judiciaire ». En fait, c'est un système juridique, ce qui est tout autre chose. Peu importe comment nous l'appelons parce que « justice » est l'un de ces mots nobles comme « vérité » et « bonté » qui ont une connotation morale. Le mot « justice » implique que le bien l'emportera sur le mal, et les gars sur des chevaux blancs vaincraront les méchants. L'utilisation du mot « justice » amène les gens à croire, consciemment ou non, que parce qu'ils sont des gens honnêtes et qu'ils disent la vérité, ils gagneront.

Au Canada, nos lois comportent deux divisions fondamentales, à savoir le droit civil et le droit pénal. Il y a, bien sûr, de nombreuses sous-divisions à l'intérieur, mais aux fins de cette discussion, ces sous-divisions n'ont pas besoin d'être explorées. Le droit civil couvre des centaines de questions quotidiennes telles que la vitesse à laquelle nous pouvons conduire sur nos routes, le fonctionnement des entreprises, qui obtient les enfants lorsque les couples se séparent et qui obtient quoi lorsque quelqu'un meurt sans testament. Le droit civil décrit et contrôle la façon dont nous vivons et travaillons ensemble en tant que société et fournit un moyen de résoudre nos différends. Lorsqu'il y a des différends, il y a deux parties qui, à première vue, sont égales et qui demandent au tribunal de l'aider à arbitrer leur problème. Il ne s'agit pas d'être bon ou mauvais ; il s'agit des règles que nous acceptons de respecter et de ce qu'il faut faire si l'une des règles semble avoir été enfreinte.

Le droit pénal, en revanche, implique la moralité. Par exemple, nos lois disent qu'il est tort prendre une vie, voler la propriété de quelqu'un d'autre ou agresser quelqu'un dans la rue. Lorsqu'il y a un différend, il nous concerne tous en tant que groupe (représenté par la police et le procureur de la Couronne) face à un individu qui a enfreint notre code moral sociétal. L'individu n'a pas demandé l'aide du tribunal comme il le ferait dans une affaire civile ; la procédure judiciaire lui est imposée, quitte à l'incarcérer pour assurer sa participation.

Il est logique de désigner le processus de droit pénal comme un système de justice, si vous acceptez la prémisse qu'il est fondé sur la moralité. Un citoyen fait quelque chose de mal et est puni pour cela. Les conséquences négatives résultant directement d'un comportement « mauvais » ou négatif correspondent à la définition de la justice pour la plupart des gens.

La perte d'une affaire civile entraîne généralement une perte d'argent pour l'une des parties. D'un autre côté, perdre une affaire criminelle signifie qu'un individu peut perdre sa liberté ou d'autres droits dont jouissent les Canadiens. De plus, il y a un stigmate attaché au fait d'être un condamné qui ne s'applique tout simplement pas à une personne qui perd une affaire civile.

Cependant, appeler le système de droit civil un système de justice est, à mon avis, complètement hors de propos. Cela implique que la « bonne » personne gagnera, alors qu'en fait le système civil a rarement quelque chose à voir avec qui est bon et qui ne l'est pas. Le mot « justice » induit les gens en erreur en ce qui concerne le résultat qu'ils attendent du système et ce qu'ils doivent faire pour obtenir ce résultat.

Lorsque des clients me contactent pour entamer une poursuite, j'examine toujours d'autres possibilités avec eux, comme la médiation ou la négociation d'un règlement. Comme nous, les avocats, sommes tenus de le faire, j'avise mes clients qu'ils pourraient ne pas gagner si l'affaire va jusqu'au procès. Si un cas est faible, je le dis. Parfois, ce conseil suscite un choc incrédule, car les clients supposent qu'ils devraient gagner parce qu'ils sont – du moins dans leur esprit – du bon côté moral du différend. Certains sont tellement convaincus de la véracité de leur propre version des événements qu'ils trouvent inimaginable qu'une histoire contradictoire puisse éventuellement influencer un juge.

Un procès en droit civil est une question de processus et de preuve. Il y a des témoins, des preuves, des pièces à conviction et des experts. Un boîtier est assemblé petit à petit jusqu'à ce qu'une image soit formée. Chaque partie essaie de colorier cette image en sa faveur. Avoir moralement raison ne sert à rien si vous ne pouvez pas le prouver. Votre famille et vos amis peuvent croire et soutenir votre position sans aucune preuve, mais un juge ne le fera pas. Cela semble être un concept difficile pour ceux qui s'attendent à triompher devant les tribunaux sur la base de leur supériorité morale. À mon avis, les plaideurs doivent se concentrer sur la mécanique d'un véritable procès et cesser d'espérer que les menteurs seront frappés par la foudre à la barre.

Cela ne veut pas dire qu'avoir raison n'a rien à voir avec gagner un procès. Avoir raison moralement est quelque chose de personnel à chacun d'entre nous, alors qu'avoir raison juridique signifie se conformer à une loi qui a été créée par nos élus. Par conséquent, si vos adversaires peuvent prouver que vous ne respectez pas la loi, vous avez peu de chances de gagner votre cause. Mon point est que même les personnes qui ont raison 100% doivent le prouver. Il ne suffit pas de le savoir dans votre cœur.

Pour cette raison, je conseille à chacun de mes clients que nous opérons dans un système juridique et non dans un système judiciaire.

9 réponses

  1. Article très intéressant. Je peux comprendre maintenant pourquoi vous évoquez les options d'arbitrage et de médiation comme éléments de réflexion dans une affaire civile. Il y a une ligne très fine entre croire (ou même savoir) qu'on a raison et être capable de prouver qu'on a raison.

  2. Daahhhh et comment expliquer les mesures punitives abusives prises par une faculté de droit à des années-lumière de la réalité ?

    1. Comme je ne sais pas de quelles mesures punitives vous parlez, ni ce que vous avez fait pour les mériter, je ne peux vraiment pas l'expliquer.

  3. Au Canada, le système judiciaire est corrompu. J'ai eu un cas où un juge ouvertement partial a faussement accusé un témoin expert et l'avocat des plaignants d'avoir trompé le tribunal sur les références des experts, malgré aucune preuve pour étayer son accusation. Sans preuve ni procédure régulière, elle a utilisé ses fausses accusations pour discréditer l'expert et ignorer son rapport. Cela a été fatal à l'affaire qui a coûté aux plaignants qui ont été considérablement escroqués par les défendeurs le rejet de leur affaire. Les plaignants se sont vu refuser leur droit à un procès équitable par un juge paresseux et menteur. Le Canada a une industrie légale qui escroque les citoyens assez fous pour s'y fier. Ce n'est pas un système, c'est une entreprise criminelle exploitée par la Couronne.

    1. Jack, j'apprécie que vous ayez eu une expérience négative. Je suppose que l'issue de l'affaire a fait l'objet d'un appel, puisque notre système dispose de cette protection intégrée en cas d'erreur. Je dois ajouter, cependant, que condamner un système entier qui est en place depuis des centaines d'années et a des milliers de bons résultats chaque année sur la base d'une mauvaise décision est exagéré.

  4. Je ne suis pas avocat, je n'ai jamais étudié le droit, mais j'ai toujours cru comprendre que le système juridique canadien était à l'origine basé sur le droit britannique, dont les origines étaient conçues spécifiquement pour protéger les droits de propriété et que le droit pénal et civil était à la fois une valeur -basé, où la valeur était monétaire. Le fait que nous attendions maintenant de la moralité qu'elle guide ce système est une notion relativement moderne. Une bonne notion, je pense, évolutive, donc lente à avancer et sujette aux erreurs.

  5. Je classerais le Canada (probablement) le deuxième plus grand pays du monde. Dans le plus grand pays de l'histoire du monde, ils ne font pas la séparation entre le droit "civil" et le droit "pénal". Dans le plus grand pays de l'histoire du monde, s'il n'y a pas de victime, il n'y a pas de crime !

  6. Bien que je pense qu'il y a des points à cet argument, il est soit fallacieux ou naïf de dire que le droit civil n'implique pas la moralité. En général, si ce n'est au total, il est évident que c'est le cas, en plus de quoi les affaires pénales échouent souvent à rendre « justice ». (justice morale), aussi.

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